28 novembre 2005

Solidarité pour les jeunes du monde

La France ressemble à ce vieil homme qui a passé sa vie à jouir et à abuser de son pouvoir et qui, déclinant, se masque pour mendier l’absolution de la jeunesse, tout en continuant à mentir, à utiliser les autres, à les flatter pour mieux les renier, à les anéantir et à leur faire porter le poids de l’enfer qu’il mérite lui-même. La France vampirise sa jeunesse, ne la caresse que pour la maltraiter, lui interdire l’avenir. Vous êtes dans son même sac d’ogre, jeunes cadres, jeunes chômeurs, jeunes intellectuels et jeunes «racailles». Vous payez aux vieux des décennies de retraite souvent plus confortables que vos salaires, et tout ce qu’il y avait à prendre dans ce pays, ils l’ont pris.

L’art, la littérature, ils les ont pris et saccagés. Les idéaux, la foi et l’innocence, idem. L’amour, l’amour érotique, l’amour des enfants, l’amitié sans calcul, idem. La nature, la beauté. La politique. Le travail. La presse. Ils se sont servis, et alliés pour la possession, à un point tel que nulle société n’avait atteint auparavant. Et ceux qui, aujourd’hui, parviennent à sortir la tête de l’eau en leur riant au nez, de leur barque pourrie les vieux ogres ne leur tendent la main que pour pouvoir, une fois récupérés, les faire bouillir et les bouffer aussi. N’ayant d’autre ambition que de se nourrir et de vivre encore, et
même de continuer à ne pas laisser la place, une fois morts.

Pourtant, pourtant, c’est vous qui êtes jeunes, et puissants si vous rejetez leur système. Rien n’est plus difficile, car le système qu’ils ont mis en place est devenu notre milieu naturel, parce qu’on a l’impression que même si l’oxygène y est rare, c’est le seul endroit où l’on puisse désormais respirer, rien n’est plus difficile mais rien n’est plus nécessaire: rejetons leur système. Partons, allons être Français ailleurs, ailleurs sur la planète ou bien ici, sur notre territoire, mais pas dans leur combine, ailleurs et autrement de toute façon. À vous d’inventer! Afin de revivifier ce vieux pays que nous aimons pourtant, ce pays auquel sa jeunesse pourrait faire tant de bien s’il renonçait à se préserver en lui fermant sa porte au nez.

Ne vous battez pas entre vous. Jeunes du monde entier, soyez solidaires contre vos vieux ogres, remettez-les à leur place, qui devrait être noble et qu’ils ont souillée comme le reste. Et ce faisant, prenez aussi la vôtre. Dans votre monde, un monde qui attend que vous lui rendiez l’éternité, c’est-à-dire la possibilité d’être transmis.

source: Journal Métro, édition Montréal, Lundi 28 novembre 2005, page 12